Lettre à mon père
Montpellier,
le 27/09/2006.
Jacques, mon père,
Pour une fois, c'est moi qui t'écris, comme tu l'as fait si souvent.
J'ais appris à me méfier de tes lettres, qui trop souvent semblent destinées à me faire me sentir coupable, ou me font part de tes jugements sans appel sur ma vie, mon futur, la façon dont j'éduque mon fils, mon travail...
J'ais appris à te pardonner, à chaque fois, à ne pas faire cas de la colère que je ressentais, à chaque fois.
De la colère car toi moins que tout autre a le droit de juger ma vie, toi moins que quiconque peut me donner des leçons d'éducation.
Tu n'as jamais voulu entendre ce que j'avais à te dire de vive voix, peut-être que ce message écris sera entendu... J'en doute déjà.
Père, tu l'as été. Il y a cependant bien longtemps que tu n'as pour moi plus de ce mot que le nom et une poignée de gènes en commun.
Tu as perdu ce qui restait de ma confiance il y a quelques années, en t'engageant puis en revenant en arrière une fois de trop.
Tu as perdu tout respect de ma part quand, à la suite de ça, je t'ais rappellé que tu ne m'avais jamais dis que tu m'aimais... Ta réponse m'a marquée à vie : "Je t'aime bien, mon fils."
J'espère que tu peux comprendre à quel point cela a pu me blesser, mais ce n'est qu'un espoir bien faible.
Mon amour de fils, tu as dû le perdre quelque part entre mon enfance et mon adolescence, après tant et tant de disputes avec Maman.
Aujourd'hui, elle s'en est excusée, elle a tout fait pour que je lui pardonne, et c'est le cas.
Tu as rejeté mon pardon : "Tu fabules, mon fils, tu as été un enfant très heureux." Voilà ta réponse à ce que j'espérais être un début de dialogue.
Oui, un enfant hereux, évidemment, et c'est à toi d'en juger, bien sûr.
Enfin, tu as perdu mon admiration quand tu en as abusé, m'emmenant loin de Maman pendant deux longues années. "Elle voulait te prendre à moi." Je n'appartiens à personne, et j'ais un avis à donner. Je regrette que tu ne me l'ais jamais vraiment demandé.
Aujourd'hui tu vieillis, seul, mal, abusant de la confiance des quelques personnes que tu arrives encore à charmer avant de les traillir à nouveau, de leur prendre sans retour leur énergie, leur temps, et tentant de les rendre coupables des limites qu'ils te posent afin de les garder près de toi.
Comme tu l'as fait avec moi pendant si longtemps.
Aujoud'hui ta nouvelle assistante sociale, pleine de beaux projets pour toi, commence à me faire sentir que je suis coupable de t'abandonner ainsi. Comme beaucoup avant elle. Tous ont, un par un, finis par t'abandonner à ton sort, lassés de tes jérémiades et de ton incroyable faculté à faire capoter tout projet te concernant.
Cependant je ressent encore le besoin de me justifier, d'écrire cette lettre que tu ne recevras jamais.
Peut-être devrais-je suer sang et eau, insouciant du nombre d'échecs, ou des insultes que tu envoies sans retenue, et t'aider comme un fils devrait le faire.
Mais pour être fils, il faut avoir un père.
Tu n'es plus pour moi qu'un vieil homme dont je me sens un peu responsable, en particulier lorsqu'il est dangereux pour les autres.
Aujourd'hui, je peux vivre facilement avec la culpabilité de te laisser avec les conséquences de ta façon d'être, et je compte mener ma vie sans remords.
Peut-être suis-je, pour celà, bien le fils de mon père.
Cependant, étant aussi le fils de ma mère, j'ais appris à tenir compte du fait que les gens autour de moi existent et que j'aurais bien plus de bonheur à échanger avec eux qu'à les utiliser.
R.
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Mon père ne recevras jamais cette lettre, je m'en suis rendu compte en l'écrivant, et celà se ressent dans la façon dont elle est tournée. J'imagine que malgré tout je ne lui en veut pas assez pour lui faire du mal gratuitement.